Décret n° 2025 648 du 15 juillet 2025 : Vers une naturalisation plus exigeante... ou plus excluante ?
Publié le :
28/07/2025
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Contexte
Publié le 15 juillet 2025, le décret n° 2025‑648 modifie en profondeur les conditions d’accès à la nationalité française. Officiellement présenté comme une réforme de "rigueur républicaine", il soulève néanmoins de nombreuses questions sur ses impacts sociaux, son opportunité politique et sa mise en œuvre concrète.Des exigences renforcées : vers une naturalisation élitiste ?
Le passage au niveau B2 : barrière linguistique ou outil d’intégration ?
Jusqu’ici, le niveau B1 était considéré comme suffisant pour témoigner d’une bonne insertion linguistique en France. Le décret élève désormais cette exigence au niveau B2, tant à l’oral qu’à l’écrit, à compter du 1er janvier 2026.Ce seuil – équivalent à un usage autonome de la langue – est nettement plus exigeant, notamment pour des personnes peu scolarisées, arrivées adultes sur le territoire, ou occupant des emplois précaires peu francophones.
Cette mesure risque de freiner l’accès à la nationalité pour des personnes pourtant bien intégrées dans les faits, mais défavorisées sur le plan scolaire ou linguistique.
Par ailleurs, la suppression de la reconnaissance des diplômes étrangers obtenus en français comme preuve de niveau linguistique limite les options, au risque de dévaloriser des parcours francophones extérieurs à la France, notamment en Afrique ou au Liban.
L’introduction d’un "examen civique" : un test de loyauté implicite ?
Le décret impose également, à partir de janvier 2026, un test civique formel portant sur l’histoire, les institutions et la culture française.Ce changement marque une rupture : l’assimilation ne sera plus seulement appréciée à l’oral lors d’un entretien, mais validée par un examen codifié.
Si une meilleure transparence dans l’évaluation peut être saluée, la méthode retenue soulève des inquiétudes :
- Quels seront les contenus de cet examen ?
- Sur quels critères objectifs jugera-t-on la "bonne compréhension" de la société française ?
- Comment éviter qu’un tel test ne devienne un outil d’exclusion culturelle, plutôt qu’un levier d’intégration républicaine ?
Des procédures rationalisées... au prix d’un tri administratif ?
Un entretien réservé aux dossiers "favorables"
L’entretien d’assimilation devient réservé aux seuls dossiers considérés comme recevables et prometteurs par l’administration.Ce filtrage administratif pourrait accentuer une forme de pré-sélection opaque, éloignant certains profils atypiques, fragiles ou peu documentés.
Dématérialisation du recours : accessibilité en question
Le recours administratif en cas de refus sera désormais géré exclusivement via le téléservice de dépôt, sans saisine du ministère.Si cette mesure vise à alléger les délais, elle risque surtout d’affaiblir les garanties procédurales pour les usagers peu familiers du numérique, ou sans accompagnement juridique.
Une réforme à visée politique plus que sociale ?
Derrière les objectifs affichés – "renforcer la cohésion nationale", "préserver les valeurs républicaines" – ce décret s’inscrit dans un contexte de durcissement général de la politique migratoire.À travers l’alourdissement des conditions d’accès à la nationalité, l’État semble vouloir répondre à des attentes sécuritaires et identitaires, au détriment d’une approche réellement inclusive.
Les personnes étrangères vivant depuis des années en France, souvent insérées professionnellement, socialement et familialement, pourraient se retrouver mécaniquement écartées de l’accès à la citoyenneté, malgré leur attachement réel au pays.
Que faire face à ces nouvelles règles ?
En tant que cabinet engagé auprès des personnes étrangères, Avec Vous Avocats vous recommande de :- Anticiper les évolutions : déposer une demande avant janvier 2026
- Se former au niveau B2 et à l’examen civique
- Se faire accompagner dans les démarches
- Contester en droit ce qui peut l’être
Conclusion
Le décret n° 2025‑648 pourrait bien redessiner en profondeur les contours de la naturalisation, en la rendant plus sélective, plus normative et moins accessible à certains profils vulnérables.À l’heure où la France s’interroge sur son identité et son modèle d’intégration, ce texte semble répondre davantage à une logique de tri administratif qu’à une ambition d’ouverture.
En tant qu’avocats, nous défendons une vision équilibrée de la nationalité française : exigeante, oui — mais juste, cohérente et accessible à toutes celles et ceux qui font vivre la République au quotidien.
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